J.O. 20 du 24 janvier 2006
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 23 décembre 2005 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 3, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2005-532 DC
NOR : CSCL0508960X
LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers telle qu'adoptée par le Parlement.
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I. - Afin d'éviter toute mauvaise compréhension de la saisine, ses auteurs entendent rappeler leur attachement républicain à la poursuite des objectifs de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, essentiels à toute société démocratique. Qu'il en va particulièrement ainsi en matière de lutte contre les actes de terrorisme, qu'il s'agisse de la prévention ou de la répression de ces crimes odieux. Mais, dans le même temps, les auteurs du recours entendent veiller au respect des droits et libertés constitutionnellement protégés. Il en va d'autant plus ainsi lorsque, par un amalgame inutile et dangereux, les formes les plus graves de la criminalité sont mêlées, comme dans le présent projet de loi, à des finalités totalement étrangères.
C'est pourquoi, les procédures dérogatoires au droit commun mises en oeuvre à cet égard doivent alors être strictement et précisément définies, limitées dans le temps, et entourées de l'ensemble des garanties réelles et effectives des droits. Le recours à de telles règles justifiées par des circonstances exceptionnelles doit donc être rigoureusement encadré et strictement proportionné au but à atteindre. L'indispensable volonté de prévenir et punir les actes de terrorisme ne saurait, en revanche, légitimer le glissement insidieux vers un état d'urgence permanent. Car le risque serait, sinon, de modifier radicalement la nature de notre système démocratique et de rompre la conciliation entre l'exercice des libertés fondamentales constitutionnellement garanties, d'une part, et la préservation de l'ordre public, d'autre part, lesquels sont nécessaires l'un et l'autre à la sauvegarde des droits de valeur constitutionnelle. Or, plus la démocratie est menacée par ses ennemis, plus les principes constitutionnels qui la fondent et font sa force doivent être réaffirmés. Car la plus grande victoire des terroristes serait que nous renoncions à l'Etat de droit.
Les saisissants entendent rappeler, à cet égard, que, dans l'Etat de droit, le droit à la sécurité doit toujours être concilié avec le droit à la sûreté tel qu'il découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, c'est-à-dire avec le droit de n'être ni surveillé, ni poursuivi, ni arrêté, ni détenu, ni condamné arbitrairement. Que la liberté proclamée par cet article implique, en outre, le respect de la vie privée (décisions no 99-416 DC du 23 juillet 1999 ; no 2004-499 DC du 29 juillet 2004) et le droit de circuler librement (décision no 94-352 DC du 18 janvier 1995).
Il importe, dans ce cadre, que l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles aux termes de l'article 66 de la Constitution, continue d'assurer toutes les garanties indispensables à la préservation de cette exigence (décision du 18 janvier 1995 ; décision du 11 août 1993).
De même, il convient de s'assurer que la protection de la liberté individuelle, laquelle repose aussi sur l'article 16 de la Déclaration de 1789 disposant que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution », demeure certaine.
Enfin, il convient que les procédures organisées le soient en termes suffisamment précis et clairs pour éviter l'arbitraire, afin de respecter l'article 34 de la Constitution qui dispose que « la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».
C'est pourquoi, en tout état de cause, les dispositifs destinés à lutter contre la préparation et la commission des actes de terrorisme doivent respecter le principe de proportionnalité ainsi que vous vous y êtes toujours attachés, y compris en matière de terrorisme en censurant l'erreur manifeste d'appréciation (décision no 96-377 DC du 16 juillet 1996).
C'est donc à l'aune de ces principes et de tous autres à ajouter ou suppléer, même d'office, qu'il vous est demandé d'examiner l'ensemble de la loi critiquée et en particulier les articles ci-après visés.
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II. - Sur l'article 6 de la loi
Cet article tend à permettre aux agents individuellement habilités des services de police et de gendarmerie de se faire communiquer certaines données de trafic générées par les communications électroniques. Ces données seraient communiquées dans un cadre juridique administratif placé sous le contrôle du ministère de l'intérieur et non plus systématiquement, comme actuellement sous l'empire du code de procédure pénale, dans un cadre judiciaire.
Un tel dispositif en privant de garanties légales des exigences constitutionnelles méconnaît l'article 66 de la Constitution et ensemble les articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Actuellement, et conformément aux prescriptions de l'article 66 de la Constitution, les données visées par l'article 6 de la loi critiquée ne peuvent être consultées par la police et la gendarmerie nationales que dans un cadre judiciaire. Ainsi, les articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du code de procédure pénale disposent respectivement que l'officier de police judiciaire au cours d'une enquête de flagrance, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur, au cours d'une enquête préliminaire ainsi que le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis au cours de l'instruction, peuvent « requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête ou l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de leur remettre ces documents [...] ».
Mais, selon l'exposé des motifs de la loi attaquée, cette obligation de s'inscrire dans un cadre judiciaire est trop restrictive pour lutter efficacement contre le terrorisme, « car la plupart des vérifications nécessaires en pratique découlent d'éléments recueillis en amont de toute procédure judiciaire ».
C'est sur cette base peu convaincante que le Gouvernement a donc inventé un mécanisme de contrôle proche de celui existant pour les interceptions de sécurité et qui a pour but ainsi avoué d'évincer l'autorité judiciaire de son rôle constitutionnellement consacré.
II-1. Base peu convaincante, car l'article querellé mêle la prévention et la répression des actes de terrorisme. Or, si l'on peut imaginer le recours à des procédés de police administrative - toutefois strictement proportionnés et encadrés - lorsqu'il s'agit de prévenir des infractions, en revanche la poursuite et la répression des crimes et délits relève, par principe, du pouvoir de contrôle de l'autorité judiciaire (voir par exemple en matière de terrorisme : décision du 16 juillet 1996). Or, l'article 6 en cause créant un nouvel article L. 34-1-1 du code des postes et télécommunications prévoit bien un tel mécanisme d'interception administrative des communications privées « afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme ».
On se trouve ici dans l'hypothèse d'une procédure qui, par définition, appartient au champ de la police judiciaire et se trouve donc constitutionnellement placée sous la protection de l'autorité judiciaire. C'est le raisonnement de principe que vous avez constamment tenu pour considérer que l'autorité judiciaire devait être informée au plus tôt et prendre le contrôle du reste de la procédure sous sa surveillance en cas de poursuite d'une infraction ou d'existence de raisons plausibles qu'une infraction va être commise (décision no 93-326 DC du 11 août 1993 ; décision no 2003-467 DC du 13 mars 2003). Et c'est en tenant compte du rôle confié à cette même autorité, dont le juge des libertés, que vous avez validé plusieurs dispositions de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et notamment en matière d'interceptions de sécurité des communications électroniques (décision no 2004-492 du 2 mars 2004).
En soustrayant à la surveillance de l'autorité judiciaire des actes de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et au droit à la vie privée, le législateur a privé de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel (décision no 86-210 DC du 29 juillet 1986, considérant 2).
II-2. C'est en vain que le Gouvernement viendrait prétendre que le mécanisme institué par l'article critiqué vaut garantie, sinon équivalente de celle supprimée, au moins suffisante.
D'abord, un tel raisonnement serait l'aveu d'une régression démocratique fort grave en matière de droits et libertés fondamentaux.
Ensuite, force est d'admettre que le régime mis en place par la loi en cause est moins protecteur que celui existant aujourd'hui pour les interceptions dites de sécurité.
Autrement dit, le législateur soustrait non seulement les moyens d'investigation nécessaires à la répression d'un acte criminel au pouvoir de surveillance constitutionnel de l'autorité judiciaire, mais, de surcroît, invente un dispositif moins protecteur que celui en vigueur pour les écoutes dites administratives !
II-2.1. En effet, les interceptions ordonnées par l'autorité judiciaire sont réglementées par la loi no 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques. Elles peuvent être autorisées aux fins de rechercher des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et la reconstitution ou le maintien de groupements dissous en application de la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées.
L'autorisation est accordée par décision écrite et motivée du Premier ministre ou de l'une des deux personnes spécialement déléguées par lui. Elle est donnée sur proposition écrite et motivée du ministre de la défense, du ministre de l'intérieur ou du ministre chargé des douanes, ou de la personne que chacun d'eux a spécialement déléguée. Cette autorisation est donnée pour une durée maximum de quatre mois. Elle cesse de plein droit de produire effet à l'expiration de ce délai. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.
Le nombre d'interceptions susceptibles d'être pratiquées simultanément est contingenté et réparti entre les trois ministères compétents. Il est établi un relevé de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement. Ce relevé mentionne la date et l'heure auxquelles elle a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée.
A cet égard, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de l'ensemble de la réglementation applicable. Elle est présidée par une personnalité désignée, pour une durée de six ans, par le Président de la République, sur une liste de quatre noms établie conjointement par le vice-président du Conseil d'Etat et le premier président de la Cour de cassation.
Lorsque le Premier ministre autorise une interception, le président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité en est informé dans un délai de quarante-huit heures au plus tard. Si celui-ci estime que la légalité de cette décision n'est pas certaine, il réunit la commission, qui statue dans les sept jours suivant la réception par son président de la notification.
Au cas où la commission estime qu'une interception de sécurité a été autorisée en méconnaissance de la loi, elle adresse au Premier ministre une recommandation tendant à ce que cette interception soit interrompue. De sa propre initiative ou sur réclamation de toute personne y ayant un intérêt direct et personnel, la commission peut procéder au contrôle de toute interception de sécurité.
II-2.2. En l'espèce, ce n'est donc pas la commission qui assure le contrôle réel, mais une personne nommée par elle sur proposition du ministre de l'intérieur. Autrement dit, ce n'est pas une autorité administrative indépendante qui est en charge du dispositif de surveillance des investigations concernées, mais une personne physique dont le statut est incertain et dont l'indépendance, en particulier, n'est pas garantie par la loi.
Le fait que cette personnalité soit désignée par la commission ne peut tromper dans la mesure où ce « pouvoir résiduel » de nomination est totalement lié. Il importe de s'interroger sur l'indépendance de cette personnalité lorsqu'elle répondra aux demandes des forces de police, alors qu'elle devra sa nomination à une décision du ministre de l'intérieur.
Le mécanisme mis en place ne peut donc être regardé comme une garantie ni pour les interceptions aux fins de répression, ni davantage pour celles ordonnées dans un but de prévention. Bien au contraire, ce dispositif élargit le champ des investigations possibles et réduit dans le même mouvement les garanties procédurales.
On ajoutera, pour autre différence, qu'il n'est pas prévu que la commission puisse conclure à l'interruption de l'interception et que son pouvoir de recommandation est indéterminé.
II-3. Enfin, la loi est silencieuse sur les voies de recours ouvertes contre la décision du ministre de l'intérieur en cas de suite négative donnée à une recommandation de la commission.
L'article 16 de la Déclaration de 1789 comme le droit à la vie privée sont ici violés.
S'agissant, en particulier, d'interceptions pouvant être diligentées dans le cadre d'une action de répression, il est pour le moins contraire aux principes constitutionnels précités d'exclure de tout contrôle juridictionnel précis et organisé un pan de la procédure. Dans ces conditions, de nombreuses interceptions abusives pourront fonder des poursuites ultérieures sans qu'un contrôle adapté et proportionné ait pu avoir lieu.
On observera, de surcroît, qu'à la différence du système de 1991 il n'est pas prévu que les personnes ayant un intérêt direct et personnel puissent saisir la commission afin qu'elle procède à un contrôle.
On rappellera, à cet égard, que vous avez censuré une disposition tendant à exclure du régime des nullités certains actes d'investigations dont la nature était susceptible de porter atteinte aux droits et libertés (décision du 2 mars 2004, précitée, considérant 70).
III. - Sur l'article 8 de la loi
Cet article modifie l'article 26 de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure afin de permettre une utilisation plus intensive et plus large des dispositifs de contrôle des données signalétiques des véhicules, en prévoyant, notamment, une surveillance mobile y compris des personnes installées dans les véhicules ainsi tracés.
Ce mécanisme de traçabilité généralisé des citoyens est étendu à toute une litanie de prévention et de répression d'infractions dont la majorité est étrangère au terrorisme.
Un tel dispositif méconnaît tout à la fois l'article 66 de la Constitution et l'article 2 de la Déclaration de 1789 qui protègent la liberté individuelle, dont celle d'aller et venir et le droit à la vie privée. En tout état de cause, il est entaché d'incompétence négative et viole donc l'article 34 de la Constitution.
III-1. A titre liminaire, il importe de souligner que le fait que l'article 26 de la loi du 18 mars 2003 soit déjà en vigueur ne fait pas obstacle à l'exercice de votre contrôle. En effet, vous admettez le contrôle de la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine (décision no 85-187 DC du 25 janvier 1985, Rec. p. 43 ; décision no 99-410 DC du 15 mars 1999).
En l'occurrence, il ne peut faire de doute que la loi déférée modifie, complète et affecte le domaine d'application de l'article 26 de la loi du 18 mars 2003. Désormais, ce dispositif permet d'installer des moyens de surveillance mobile et plus seulement fixes, permet de photographier les occupants des véhicules et plus seulement de vérifier des données signalétiques des automobiles. En outre, et ce n'est pas le moindre point, il permet de diligenter ces investigations exceptionnelles par leur ampleur pour toute une série d'infractions, dont la majorité est étrangère à la répression du terrorisme.
Dans ces conditions, le second alinéa de l'article 8 critiqué dont la rédaction est peu changée est également affecté dans son champ d'application puisque le système de surveillance généralisé qu'il organise peut désormais conduire à photographier les personnes et à les contrôler selon des moyens mobiles embarqués à bord de véhicules de la police.
Ce second alinéa de l'article 8 critiqué sera ainsi pareillement soumis à votre contrôle.
III-2. A cet égard, force est d'admettre que le dispositif institué organise un système généralisé de contrôle dans un but non pas seulement de police administrative mais également de police judiciaire : « afin de prévenir et réprimer ».
Or, d'une part, le premier alinéa de l'article 8 critiqué ne prévoit en aucune façon l'intervention de l'autorité judiciaire. Intervention indispensable au regard des exigences constitutionnelles ainsi que vous l'avez constamment jugé (décision du 18 janvier 1995 ; décision du 13 mars 2003).
C'est en vain que l'on trouverait trace dans cet article de l'intervention de l'autorité judiciaire alors que pourtant elle est ici constitutionnellement exigée.
Il serait ici abusif, d'autre part, de prétendre que l'article critiqué ne vise que des opérations de police administrative pour justifier l'absence d'intervention de l'autorité judiciaire. Non seulement, les mots mêmes de l'article critiqué prouvent le contraire, mais, de surcroît, l'étendue inédite du champ d'application de ce mécanisme aboutit à étendre le pouvoir de police administrative générale de façon manifestement disproportionnée et de placer les libertés publiques sous un régime principalement administratif.
En tout état de cause, l'intervention initiale d'un agent habilité hors de la décision de l'autorité judiciaire doit faire l'objet d'une information immédiate de celle-ci qui doit pouvoir reprendre le contrôle effectif de la procédure.
III-3. S'agissant, en particulier, du second alinéa de l'article 8, force est de constater que le législateur a prévu que « l'autorité administrative » pourrait étendre la traçabilité des citoyens circulant en voiture de façon générale et absolue, et hors de tout contrôle de l'autorité judiciaire et même, sans doute, de tout recours effectif.
Encore une fois, les auteurs de la saisine n'ignorent pas qu'existe un pouvoir général de police administrative. Ils sont également attachés à la prévention et à la répression des actes de terrorisme et des formes les plus graves de la criminalité.
Mais, au cas présent, le législateur a confié à l'autorité administrative un pouvoir général et absolu manifestement disproportionné. Cette critique a été amplement développée par la Commission nationale informatique et libertés dans sa délibération no 2005-208 du 10 octobre 2005. Les conditions de sa mise en oeuvre et son champ d'application font de cet alinéa une menace immense pour les droits et libertés constitutionnellement protégées, dont la liberté d'aller et venir et le droit à la vie privée. Et ce, sans que le terrorisme soit nécessairement en cause. L'alinéa critiqué instaure une sorte d'état d'urgence permanent.
Certaines questions concrètes méritent ainsi d'être posées au sujet de cet alinéa :
- qu'est-ce qu'un « événement particulier », notion dont il n'existe pas de définition juridique et qui permet donc toutes les interprétations, y compris celle de surveiller les manifestations d'ordre privé comme les mariages ;
- qu'est-ce qu'un « grand rassemblement de personnes », concept là encore soumis à l'arbitraire de l'autorité administrative ;
- de quelle « autorité administrative » s'agit-il, ce qui renvoie à la question de la compétences ratione materiae et loci, ainsi que celle du droit au recours contre un processus décisionnel flou et imprécis ;
- que signifie « à titre temporaire », expression tellement large qu'elle permet de débuter la surveillance très en amont pour la terminer très en aval des événements et rassemblements.
Par ailleurs, il importe de savoir si la décision de recourir à ce mécanisme sera publiée ou notifiée, et si oui, où, afin de pouvoir saisir un juge compétent d'un recours effectif. A titre d'exemple, il ne sert à rien de pouvoir saisir le juge administratif d'un référé liberté si les citoyens n'ont pas connaissance d'une telle décision en temps et heure.
Ces interrogations doivent être mises en regard de l'étendue des contrôles rendue possible par la nouvelle rédaction de l'article 26 de la loi du 18 mars 2003.
En définitive, cette imprécision, sans doute voulue, tend à méconnaître le principe de clarté et d'intelligibilité de la loi qui s'impose également en matière de libertés publiques. En effet, vous fondant sur les articles 4, 5, 6, 16 de la Déclaration de 1789 et 34 de la Constitution, vous censurez les formules insuffisamment précises et équivoques qui renverraient à l'arbitraire de l'interprétation par des autorités administratives la détermination des droits de chacun. Ce raisonnement particulièrement fort vaut d'autant plus lorsque sont en cause les droits et libertés fondamentaux.
Nul ne contestera que l'article critiqué, dont ce second alinéa en particulier, ne répond à aucune de ces questions et permet par sa généralité, son imprécision et sa rédaction plus qu'équivoque de porter une atteinte manifestement disproportionnée aux droits et libertés fondamentaux.
De tous ces chefs, la censure est encourue.
IV. - Sur les dispositions sans liens avec le texte
La loi déférée comporte, enfin, de nombreuses dispositions étrangères à la répression du terrorisme. Il vous est donc demandé de l'examiner à l'aune de votre jurisprudence applicable en matière de dispositions sans lien avec le texte voté.
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Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, à l'expression de notre haute considération.
(Liste des signataires : voir la décision no 2005-532 DC.)